Publié le
22 mai 2025
Gauthier
L’accès au dispositif ACI est une étape clé dans la création d’une maison de santé pluridisciplinaire (MSP) et une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS). Pour pouvoir signer ce contrat avec l’Assurance Maladie, la MSP doit remplir un certain nombre de prérequis organisationnels. La convention est signée lors d’une rencontre tripartite entre l’ARS, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie et les représentants de l’équipe. Elle formalise les engagements de la MSP ou CPTS sur cinq ans, en échange de financements pour le fonctionnement interne et externe de la structure. Le suivi du contrat ACI demande également de la part du coordinateur une gestion administrative précise, souvent en début d’année au moment du reporting de l’activité (transmission des indicateurs chaque année, justificatifs d’utilisation des fonds si requis, etc.).
1. Un peu d’histoire
L'expérimentation des nouveaux modes de rémunération (ENMR), lancée en 2010, visait à moderniser les soins primaires.
En 2013, la stratégie nationale de santé visait la généralisation de ces dispositifs. Malgré un premier échec des négociations conventionnelles, un règlement arbitral a été mis en place.
2017 (MSP) : Signature de l’ACI le 20 avril 2017 entre l’Assurance Maladie (Uncam) et les représentants des professions de santé libérales, afin de financer durablement les structures pluriprofessionnelles. Ce contrat prévoit pour la première fois la reconnaissance du travail des équipes des Maisons de Santé pluriprofessionnelles en rendant pérennes les modes de rémunérations par équipe pour mener des actions inscrites dans le projet de santé. Cet accord a notamment permis de remplacer les expérimentations de nouveaux modes de rémunération menées depuis 2010.
2019 (CPTS) : Signature de l’ACI le 20 juin 2019 (arrêté du 21 août 2019, JO du 25/08/2019) pour le déploiement des communautés professionnelles territoriales de santé. Plus de 40 organisations (syndicats de professionnels, centres de santé, etc.) sont signataires aux côtés de l’Assurance Maladie. Deux avenants sont venus compléter cet accord (23 mars 2020 et 20 décembre 2021) afin de le faire évoluer.
Évolutions récentes : L’avenant 1 à l’ACI des MSP, signé le 4 mars 2022, a été publié au JO le 3 août 2022. Il introduit de nouvelles missions et un rehaussement des financements pour les maisons de santé. En parallèle, l’ACI des CPTS a également été ajusté par ses avenants successifs. Ces accords initiaux entrent désormais dans une phase de renégociation en vue d’un « ACI 2 » actualisé, débuté en décembre 2024.
2. À quoi ça sert ?
Financement de l’activité de la MSP
Il formalise les engagements de l’équipe de soins coordonnée en échange d’un soutien financier pérenne. La structure perçoit en effet une rémunération spécifique (forfait d’équipe) qui vient s’ajouter aux revenus individuels des soignants, permettant de financer du temps de coordination et des projets communs. Ce dispositif reconnaît et valorise le travail collectif des professionnels de santé au service d’un projet de santé commun. Par exemple, une mission de santé publique de prévention des infections à HPV dans les écoles peut être valorisée au titre des ACI.
Développement de l’exercice coordonné
Ce financement vise à couvrir des fonctions d’organisation (par ex. coordination, système d’information, valorisation des réunions, de l’élaboration de protocoles…) et des actions préventives, difficiles à rémunérer par les seuls actes médicaux. L’ACI permettent une meilleure organisation du travail des soignants (souplesse dans les plannings, mutualisation des charges de fonctionnement), tout en répondant à des problématiques de santé publique.
Intégration des politiques de santé
L’ACI aligne l’activité des MSP et CPTS sur les objectifs de santé publique et l’organisation voulue par les pouvoirs publics, à l’image des ROSP. Il contribue, par exemple, à structurer l’offre de soins de proximité, à désengorger les hôpitaux en favorisant la prise en charge en ville et à déployer des actions de prévention locales. Les structures signataires deviennent ainsi des acteurs de premier plan dans la réponse aux besoins de santé de la population de leur territoire.
3. Les indicateurs en MSP
Les indicateurs de l’ACI sont répartis en objectif prérequis socles, objectifs socles et objectifs optionnels. Ainsi, il convient de vérifier que les objectifs socles prérequis sont respectés pour déclencher la rémunération : « Horaires d’ouverture et soins non programmés », « Fonction de coordination », « Réponses aux crises sanitaires graves » et « Système d’information niveau standard ».
Les thématiques reconnus dans l’ACI (premier avenant) sont les suivantes :
Accès aux soins
Renforcer l’accessibilité de l’offre de soins est un axe majeur. Les équipes s’engagent à élargir les horaires d’ouverture et à organiser la prise en charge des soins non programmés, afin d’améliorer l’accès à un médecin traitant pour chaque patient. La création d’une diversité d’offre de soins (médicaux, paramédicaux et pharmacien) est valorisée, de même que l’accueil de médecins intervenant dans le cadre d’un contrat de solidarité territoriale médecin (CSTM). Le recours à des spécialistes et praticiens extérieurs à la structure est un objectif établi. De même, les missions de santé publique et l’implication des usagers, la réponse aux crises sanitaires graves sont rémunérés. Enfin, il faut viser à garantir la continuité des soins (accueil des urgences de ville, remplacement des absences, etc.) et lutter contre les déserts médicaux.
Coordination pluriprofessionnelle
Le travail en équipe est au cœur de l’ACI. Les MSP doivent structurer la coordination entre professionnels : recrutement d’un coordinateur et action de coordination externe, réunions de concertation pluridisciplinaires, protocoles pluriprofessionnels et de coopération, formation des jeunes professionnels, introduction d’une démarche qualité, réalisation de parcours de soin (insuffisance cardiaque et surpoids/obésité). Ces modalités améliorent la fluidité des parcours de soins et la collaboration entre ville, hôpital et médico-social. L’ACI encourage le développement d’actions de prévention au sein des territoires, notamment à travers des objectifs de santé publique (dépistage du cancer et maladies chroniques, promotion de la vaccination, éducation thérapeutique ou participation à des programmes locaux de prévention).
Système d’information
Il permet la gestion des dossiers patients. L’agence des systèmes d’information partagés (ASIP) santé propose deux standards de labellisation selon les fonctionnalités proposées : niveau standard et le niveau avancé, ce dernier permettant une valorisation supplémentaire.
4. Les conditions préalables à la contractualisation
Structures juridiques éligibles
Seules les maisons de santé (mono‑site ou multi‑sites) et les centres de santé, tels que définis par les articles L. 6323‑3 et L. 6323‑1 du Code de la santé publique, peuvent bénéficier du dispositif. Pour les maisons de santé, elles doivent être constituées en SISA ou s’engager à le faire. En effet, une structure en cours de création peut signer le contrat ACI en s’engageant à finaliser son statut de SISA sous 6 mois. Les structures doivent élaborer un projet de santé en cohérence avec le projet régional de santé (PRS) (voir notre article à ce sujet).
Dossier et justificatifs
Le dossier de contractualisation comprend généralement les statuts de la structure (SISA) ou une attestation d’engagement en structure SISA, le projet de santé détaillé, la liste des professionnels permanents et vacataires. La CPAM/ARS dispose de deux mois pour examiner la demande. Si le dossier est complet et conforme aux critères, un rendez-vous est fixé pour la signature du contrat. En cas de refus, une notification motivée est envoyée et la structure peut faire un recours devant le comité régional de suivi sous 2 mois.
5. L’ACI en pratique
La transmission des pièces justificatives s’effectue au plus tard le 31 janvier de l’année suivant l’année civile servant de référence pour le suivi des engagements.
Le calcul du montant : il repose sur un système de points (7 euros/point). Les points fixes ne dépendant pas de la taille de la structure et/ou du nombre de patient. En revanche, les points variables sont proratisés selon la patientèle ou le nombre de professionnels dans la structure (pour le système d’information). Le paiement est effectué sur le compte de la structure (personne morale) et non aux professionnels individuellement
💡 Calcul des points pour les indicateurs variables = Nombre de points variables × Patientèle de la structure / Patientèle de référence (4 000)
Exception pour les nouvelles structures : pour les structures ayant déposé leur projet de santé à l’ARS depuis moins d’un an à la date de souscription du contrat, une rémunération annuelle minimale de 20 000 euros pour une année complète est garantie.
Majoration de précarité : plafonnée à 25%, cette majoration repose sur le nombre de patients ayant la complémentaire santé solidaire et l’AME.
Modalités de versement du financement : La rémunération ACI est calculée par année civile en fonction des indicateurs atteints par la structure. Le versement s’effectue en deux temps :
Suivi et reporting : Le coordinateur assure le suivi continu des actions prévues dans le contrat. Cela inclut le recueil des données nécessaires au calcul des indicateurs (fréquence des réunions tenues, nombre de patients pris en charge sans RDV, taux de vaccination de la patientèle, etc.) et la transmission des justificatifs si requis par l’Assurance Maladie. Un bilan annuel peut être réalisé pour vérifier l’atteinte des engagements et orienter d’éventuels ajustements.
Quand transmettre les documents : Transmission des documents au plus tard le 31 janvier de l’année suivant l’année civile servant de référence pour le suivi des engagements.
Les commissions paritaires régionales et nationale des structures pluri‑professionnelles : elles permettent d’assurer le suivi de l’ACI à différentes échelles.
6. Quels résultats ?
Quelques chiffres
En 2023, plus de 1 950 MSP étaient actives sous ACI (près de 40 000 soignants impliqués). En 2025, la majorité des structurent sont signataires de l’ACI. L’ACI représente souvent la principale source d’entrée de revenu pour une structure SISA.
Contraintes et opportunités
Si l’ACI offre de nouveaux moyens aux soignants, il implique aussi des engagements formalisés et un suivi rigoureux. Les équipes doivent se doter d’une gouvernance interne (coordination, réunions régulières, outils partagés) et consacrer du temps aux tâches de suivi (indicateurs à renseigner, nombreux comptes-rendus accentuant la lourdeur administrative). Cela représente un investissement important en organisation mais qui s’avère payant : en 2023, la rémunération moyenne par structure a triplé en cinq ans, signe d’un engagement croissant des équipes dans ce modèle.
7. ACI 2.0 : pour les CPTS
Publié en février 2025, l’avenant 2 de l’ACI renforce la coordination au sein des CPTS.
Objectif général
L’Avenant 2 vise à renforcer la coordination des professionnels de santé au sein des CPTS en favorisant leur création via un dispositif d’accompagnement plus performant et en augmentant les aides financières.
Il prévoit notamment une valorisation de la gestion des crises sanitaires graves (préparation et déploiement des ressources), dans les suites de la pandémie à COVID-19.
Revalorisation financière
Le dispositif prévoit une augmentation des rémunérations pour les actes de coordination. Selon le texte, certains critères conduisent à une revalorisation qui peut se situer dans une fourchette de l’ordre de 5 à 10 % par rapport aux rémunérations de base.
Le plafond du financement peut désormais atteindre 580 000 euros pour les territoires les plus vastes (CPTS de taille 4), contre 450 000 précédemment.
Cette revalorisation permet notamment de mieux couvrir les frais de fonctionnement de la CPTS en rémunérant davantage le temps passé à la coordination et de financer les moyens nécessaires à chaque mission socle obligatoire.
8. ACI 2.0 : pour les MSP
Cet accord est en cours de négociation au moment de l’écriture de l’article.
L’avenant 2 vise à renforcer le travail aidé, l’accès à un médecin traitant et la coordination effective des professionnels autour des patients, notamment atteints de maladies chroniques, au sein de ces structures.
Conclusion
L’accord conventionnel interprofessionnel (ACI) permet la reconnaissance et valorisation du travail pluriprofessionnel. Les nouveaux avenants successifs viennent renforcer son importance dans la vie des structures pluriprofessionnelles.
Akeia permet de suivre les différents indicateurs de l’ACI, permettant d’estimer de façon fiable les revenus générés par la structure. De plus, en gagnant du temps sur la gestion des tâches administratives, Akeia permet la réalisation de nouveaux projets et missions valorisés par l’ACI.
Sources
Guide 2023 des indicateurs ACI pour MSP
AVECsanté Nouvelle Aquitaine : lutter contre les déserts médicaux
Acoorde : calcul du montant de votre dotation ACI